Mobilisation contre la réforme des retraites : Macron ne croit pas à la "victoire de l'irresponsabilité"
Une mobilisation d'ampleur se profile jeudi 19 janvier contre la réforme des retraites présentée par le gouvernement. À l'Élysée, Emmanuel Macron se prépare.
À l’Élysée aussi, on a des "capteurs". Depuis l’annonce de la réforme par Élisabeth Borne, le président commence toutes ses conversations (avec ses conseillers, ses ministres, des élus dont il est proche et les visiteurs du soir) en leur demandant comment, eux, sentent les choses.
Les Français ne veulent pas tout renverser, selon l'Élysée
La synthèse qu’Emmanuel Macron fait de son sondage "maison", c’est que la mobilisation, même si elle est forte jeudi, ne reflète pas l’état d’esprit réel des Français : oui, il y a de la fatigue, une inquiétude, une lassitude profonde après l’accumulation des crises (sanitaire, ukrainienne, énergétique, inflationniste). Mais pas au point de tout renverser. A l’Élysée, on défend une réforme qui va aider les gens qui travaillent, faite dans l’intérêt des jeunes, des outsiders, des salariés fragiles, et des retraités modestes. Alors, jeudi noir ? Pas forcément. Dans l'esprit du Président, les gens n'ont pas envie que le pays soit bloqué, il ne croit pas à "la victoire de l’irresponsabilité".
Le bon moment pour réformer ?
Fallait-il réformer dans un moment aussi bousculé par la multiplication des crises, comme le lui reproche l'ancien président François Hollande ("Il n'y a pas de bon moment pour une réforme des retraites, mais il y en a de mauvais") ? Pour l'Elysée, il n'y a jamais de bon moment. Et dans l'esprit de l'actuel président, plus rien ne justifiait de tergiverser ou de renoncer. Parce que la réforme est considérée à l'Elysée comme juste, nécessaire et légitime.
D’abord parce qu’Emmanuel Macron en a le mandat démocratique : l’annonce de cette réforme fut l’un des marqueurs de sa campagne. Il a été élu sur cette feuille de route. Emmanuel Macron estime que le débat présidentiel a été transparent, le mandat clair, et que les Français ne se dédiront pas sept mois après avoir voté. Tout le contraire de 1995, où, après une campagne sur la fracture sociale, Alain Juppé et Jacques Chirac ont démarré le septennat par une réforme, incomprise, de la Sécu et des retraites. Au passage, à l’Élysée, on ne cache pas un certain agacement à l’égard des économistes qui nient le déséquilibre financier du régime, en imaginant que l'Etat sera toujours là pour combler le déficit.
Chacun son mandat
Même déception vis-à-vis de certaines forces politiques sociales-démocrates et syndicales (CFDT), sur lesquelles l’Élysée aurait voulu pouvoir compter : la retraite par répartition, rappelle son entourage, repose sur le principe que les actifs cotisent pour les retraités… A condition que l’équilibre soit tenu ! Dans l’esprit du Président, on ne peut pas protéger sans dire comment on finance.
Auprès de ses proches, le Président reconnaît que la CGT et la CFDT ont reçu de leurs bases des mandats clairs, mais lui aussi, via le suffrage universel. Il pense que, dans le débat politique et médiatique actuel, trop d’interlocuteurs s’affranchissent du réel.
Un principe de responsabilité qui revient en boucle dans ses échanges : lui assume de mener une réforme qu'il est plus commode de contester quand on n'est pas au pouvoir.
La majorité relative à l’Assemblée est-elle un handicap depuis juin 2022 ? Dans l’esprit d’Emmanuel Macron, c’est, au contraire ,utile dans la période, car cela oblige justement les oppositions à partager la responsabilité : l’accord passé entre Les Républicains et Élisabeth Borne le prouve.
Mettre la valeur travail au cœur
À l’Élysée, on assume le fait que cette réforme n’est pas faite pour faire plaisir. Mais elle s’inscrit dans une cohérence économique plus large qui doit mettre en avant la valorisation du travail, valeur cardinale chez Emmanuel Macron. Travailler plus longtemps pour créer plus richesse, et sans impôt supplémentaire. Pour dégager d’autres marges de manœuvre, pour financer d'autres priorités : santé, éducation, armée.
La logique économique est la suivante : en travaillant plus longtemps, il y aurait plus de richesses produites et donc des retombées pour financer d’autres priorités. La réforme des retraites s’inscrit dans une politique de choc d’offre positif, selon l’Élysée, réforme qui ne peut pas être dissociée de la remise à plat de l’assurance-chômage, de l’apprentissage ou des lycées professionnels. Il s’agit de tout faire pour accroître le taux d’activité des Français et réindustrialiser.
Désintéressé ?
En coulisses, on explique que l’engagement du Président n’est plus lié à aucune contingence électorale, puisque que son cycle politique s’achèvera en 2027 et qu’il ne peut plus se représenter. C'est vrai sur les retraites, mais aussi sur celle des institutions : Emmanuel Macron ne veut pas se contenter de simples aménagements. Son objectif est de redonner plus de force à la souveraineté populaire, via la refonte du RIP, par exemple, déjà promise au lendemain du mouvement des Gilets jaunes. A l'Elysée, on aimerait qu'un grand consensus se dégage (François Hollande et Nicolas Sarkozy seront mis à contribution), avant de convoquer une commission transpartisane sur la réforme des institutions. Il se laisse quelques semaines encore pour voir si ce consensus politique existe, et décider.
Références