Leadership au féminin

Leadership au féminin

UN MONDE MEILLEUR À CONSTRUIRE

« Le monde serait un meilleur espace où vivre, si les hommes pensaient plus comme les femmes »[i], énoncé à quoi ont souscrit 66 % des adultes répondants lors d’une enquête publiée en 2013 par Gerzema [ii]et d’Antonio[iii]. Les auteurs s’étaient faits signalés, avant d’entreprendre cette dernière enquête, par ceux à qui ils ont relaté les résultats d’une enquête menée antérieurement par eux (2010)[iv], que la majorité des traits dominants des entrepreneurs, leaders, organisateurs et créateurs à succès qu’ils avaient recensés étaient associés à des aspects de la personnalité généralement imputée aux femmes. On parle de l’honnêteté, de l’empathie, de la communication et de la collaboration. Gerzema, dont la firme gère la base de données la plus considérable du monde[v], BrandAsset ® Valuator[vi], et d’Antonio, son co-auteur d’enquêtes, voulaient savoir si l’économie, les technologies, la globalisation des marchés et les écarts générationnels entre autre, avaient eu quelque incidence sur le comportement des personnes en matière de leadership. Ils ont construit un questionnaire s’adressant à 64 000 répondants, sis dans 13 pays[vii] lesquels comptaient pour 65 du PNB mondial. L’éventail permettrait de couvrir la diversité des dimensions culturelles, géographiques, politiques et économiques comme religieuses du monde actuel. Leurs conclusions leur ont permis de tirer l’enseignement que contient la phrase d’entrée en matière du présent texte. Les femmes aux commandes du monde auraient, globalement, une incidence largement plus positive sur le devenir de la planète… à tous les égards.

DES DONNÉES RENVERSANTES DE SITUATION

86 % des répondants ont estimé que trop de pouvoirs résidaient dans les institutions et les entreprises. En somme, l’humain est peu présent dans le circuit des décisions affectant l’état courant et l’avenir du monde. 76 % ont estimé que leur pays ne se préoccupaient pas mieux des gens qu’antérieurement. 74 % ont estimé que le monde est de moins en moins équitable. 51 % ont estimé que la vie de leurs enfants serait moins bonne que la leur propre. La pénurie d’emplois, la stagnation/croissance très lente de l’économie et le réchauffement de la planète, sans compter les épouvantables faillites des institutions publiques et les innombrables scandales politiques instituent de plus en plus d’inquiétude chez les gens. De fait, depuis le dernier effondrement boursier, 25 % seulement des gens font encore confiance aux entreprises, soit une chute de 50 % entre 2008 et 2013. À la question « êtes-vous satisfait de la conduite des hommes dans votre pays »[viii], 57 % des adultes répondants se sont dits d’accord, pour 54 % des hommes et 59 % des milléniaux[ix]. Dans les pays à forte culture masculine (Chine, Corée du Sud, Inde, Japon), peu importe l’âge, le revenu ou la nationalité du répondant, les hommes agréaient plus fortement que les femmes à cet effet. Dans leur étude antérieure, Spend Shift, les auteurs avaient noté que les jeunes adultes mettaient moins l’emphase sur l’argent et le statut et qu’ils étaient plus intéressés par les relations humaines et le sens communautaire. À la question « le monde serait-il un meilleur espace où vivre si les hommes pensaient plus comme les femmes », tous les pays ont enregistré des scores au-dessus des 40 %. Le Japon occupant la première position, et l’Indonésie la dernière. Tel que mentionné plus haut, 66 % des adultes répondants se sont dits d’accord, pour 63 % d’hommes et 65 % de milléniaux.

Les taux de réponses « d’accord » :

92 % « mon gouvernement devrait être plus à l’écoute des besoins de la population »

82 % « dans un monde avec moins d’argent, les relations personnelles rapprochées sont plus importantes »

82 % « subir et admettre ses échecs est une condition critique de succès en carrière »

80 % « dans un monde avec moins d’argent, le bonheur est une mesure plus importante que le succès »

80 % « de nos jours il importe plus d’être aimable et empathique envers les autres »

77 % « les gens partagent plus leurs émotions qu’au cours des générations antérieures »

76 % « ce serait mieux s’il y avait plus de femmes dans des postes de leader au sein du gouvernement »

74 % « le pouvoir est plus affaire d’influence que de contrôle »

71 % « le vrai changement ne viendra que si nous sommes patients et aptes à planifier l’avenir »

 À l’analyse, on se rend compte qu’il a, en moyenne, un besoin d’écoute supérieure chez les gens, de toute catégorie d’âge, de condition et de provenance. Que les relations l’emportent grandement sur l’argent, et qu’il faut être empathique envers les autres, parce que le partage des émotions compte désormais plus que jamais dans les rapports entre les personnes. Finalement, le changement supposera que nous soyons patients, parce que le jeu des influences, qui subordonne les contrôles des personnes et des actes en toute instance, signera le succès des entreprises et gouvernements. Au total, donc, des attitudes, aptitudes et habiletés qui, traditionnellement, étaient accolées aux femmes, domineront le paysage des interrelations dans l’ensemble des avenues d’expression de la société mieux accomplie, donc réussie, de demain. Plus de femmes leaders dans l’appareil gouvernemental, mais également, dans la structure globale d’affaires des entreprises, devrait aider le monde a mieux s’accomplir.  

UN SYSTÈME À RÉFORMER DE FOND EN COMBLE

En 2014[x], Bob Sherwin[xi] faisait état de la situation[xii], à l’échelle internationale[xiii], en matière de distribution hommes/femmes dans la structure d’emploi en entreprise. L’étude visait à déterminer la capacité des personnes à exercer un leadership de qualité, au sein de leur organisation propre[xiv]. À l’époque, les femmes représentaient plus de la moitié de la population active dans le monde, mais ne comptaient toujours que pour 3 % des CEO, 14 % des vice-présidents exécutifs, 26 % des vice-présidents, 30 % des managers, 37 % des superviseurs. Pourtant, elles représentaient 53% des nouveaux employés. Et, au niveau le plus bas de la hiérarchie d’emplois, plus de 50 % des postes étaient occupés par des femmes. Or, plus on montait dans l’échelle hiérarchique des fonctions, plus les femmes se raréfiaient, jusqu’à devenir symboliques une fois le niveau de chef de direction (CEO) atteint. Ce qui donnait à comprendre en 2014, et devrait encore donner à entendre en 2018, que le monde, dans sa réalité distributive des responsabilités (fonctions de gestion des affaires privées et publiques), émarge systématiquement à son besoin concret de composition des organisations (entreprises comme gouvernements). Ce que restituent les structures de fonctionnement des entreprises, comme des organismes publics d’ailleurs, serait très exactement le contraire de ce qui, de l’avis du plus grand nombre partout dans le monde, devrait justement leur permettre de mieux réussir. Par effet de représentation (hommes c. femmes), il y manquerait d’écoute de l’autre, de relations fondées sur l’empathie, d’influence[xv] (au lieu de contrôle[xvi]). Qualités premières de qui veut exercer sur son milieu un leadership positif. Une étude de McKinsey, réalisée en 2012, a révélé que les femmes (69 %) et les hommes (74 %) désirent progresser dans leur carrière, et donc connaître de l’avancement au travail (des promotions)[xvii]. Toutefois, leur désir à cet égard était, en moyenne, inversement proportionnel à leur capacité à mieux exercer le leadership que les hommes dans l’organisation-type. En fait, les femmes (18 %) et les hommes (36 %), s’ils avaient à accéder à la C-suite (Chief Executive Suite), réagiraient de manière complètement différente[xviii]. Les femmes, en moyenne, ne sont pas pathologiquement intéressées à devenir des chefs de direction, comme semblent, en moyenne, l’être les hommes[xix]. Ce qui a pour effet, d’anémier le « sommet stratégique »[xx], dans l’organisation-type, en matière de leadership à plus forte incidence d’influence positive, et donc de priver l’ensemble du corps d’emplois d’un ressort déterminant en termes de performance supérieure sur l’activité menée. Une enquête de Gallup[xxi] a permis d’établir, que les femmes managers (41 %) sont, en moyenne[xxii], plus engagées à la tâche que les hommes managers (35 %). Et l’écart constaté n’était pas négligeable (insignifiant)[xxiii]. En quelque sorte, les femmes contribueraient mieux que les hommes, en moyenne, au succès de leurs organisations respectives. On doit s’étonner, que les hommes, qui se farcissent la citrouille d’arguments, plus ésotériques qu’exotériques, pour justifier leur sélection (embauche et promotion) aux postes de haute direction, n’aient pas encore compris qu’une plus juste représentation des femmes dans la structure d’influence des affaires entraînerait, elle, une « véritable » performance accrue sur l’activité menée. Si la distribution des postes s’effectuait sur la base admise des capacités personnelles à performer, sans doute que le leadership, comme qualité première d’engagement au travail, ferait se renverser la pyramide actuelle de ventilation des sexes dans la structure d’emplois… dans 99 % des organisations.    

RÉFÉRENCES:  

[i] Gerzema, J., et d’Antonio, M., (2013), Athena Doctrine, How Women (and the Men who Think Like Them) Will Rule the Future, Jossey-Bass, p. 1.

[ii] https://www.ted.com/speakers/john_gerzema

[iii] http://www.michaeldantonio.net/

[iv] Gerzema, J., et d’Antonio, M., (2010), Spend Shift, Jossey-Bass.

[v] 500 000 répondants, 51 000 entreprises, 50 pays, depuis 1993.

[vi] http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Brand-Asset-Valuator-240729.htm#qBosvH6uRmpiXCEk.97

[vii] Allemagne, Brésil, Canada, Chili, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Japon, Mexique et Royaume-Uni.

[viii] Sur les 13 pays, seul le Canada se situait sous la barre des 40 % dans les trois cas : 1) adultes répondants ; 2) hommes ; 3) milléniaux. Tous les autres pays enregistraient des scores au-dessus de 40 % sur chacun des trois catégories. Les scores les plus élevés furent enregistrés par le Japon suivi de la Corée du Sud. La Chine se situait légèrement en deçà des États-Unis.

[ix] Ceux nés entre 1980 et 2000. http://www.celsiusinc.com/fr/qui-sont-les-milleniaux-2/

[x] Sherwin, B., (24 janv., 2014), Why Women Are More Effective Leaders Than Men, Business Insider.

[xi] Bob Sherwin est COO de Zenger Folkman, un cabinet de recherche en leadership dans l’organisation (entreprise). L’article a d’abord été publié (2012), dans la Harvard Business Review.

[xii] L’étude regroupait les données d’enquêtes menées en 2011 et 2012, partout dans le monde.

[xiii] La base de données d’origine comprenait 45 000 leaders, œuvrant dans une grande variété de secteurs d’activité, chacun ayant en moyenne 13 répondants (on parle d’évaluation de type 360 degrés).

[xiv] 16 000 répondants ont fait l’objet de l’étude en question.

[xv] L'influence est à la base du leadership, soit la capacité d'agir sur les autres sans recourir à quelque sanction ou promesse que ce soit.

[xvi] Le contrôle est d’ordre directif, et constitue une mesure de menace en ce qu’il institue une obligation d’agir dans un sens défini.

[xvii] Les femmes sont moins enclines à mettre leur effort d’entregent sur la promotion professionnelle. Elles préfèrent miser sur la qualité de leurs interrelations avec les autres. Ce qui explique très largement les résultats des enquêtes citées par Sherwin. Le leadership, qui n’est pas l’exercice d’une domination sur les autres, mais celui d’une influence positive sur son entourage, tient avant tout du savoir-être psychologique et non pas du savoir-faire technique. Le leadership n’est pas lié à l’accomplissement d’un projet (savoir-faire), mais bel et bien au comportement des acteurs (savoir-être).   

[xviii] L’écart n’est pas mince. Il est très exactement du simple au double. Ce qui parle haut et fort, du désintéressement marqué des femmes quant à vouloir dominer à tout prix dans l’organisation.

[xix] Une question qui reste à explorer, pour mieux comprendre pourquoi les femmes préfèrent généralement se tenir éloignées du principal poste de commande aux affaires dans l’organisation. Sans doute, ont-elles horreur du jeu de pouvoir (power play) qui s’y pratique, dès lors que les hommes se mêlent de prendre le contrôle de l’organisation. 

[xx] La haute direction, dans le sens des parties de l’organisation déclinées par Mintzberg.

[xxi] Fitch, K. et Agrawal, S., (7 mai, 2015), Female Bosses Are More Engaging Than Male Bosses, Gallup. L’enquête est bien celle de Gallup. http://www.gallup.com/businessjournal/183026/female-bosses-engaging-male-bosses.aspx

[xxii] Au fait, le score des femmes en question concernait autant celles qui avaient que celles qui n’avaient pas d’enfants (le biais souventefois allégué par les hommes, à l’égard des femmes de carrière trop tournées selon eux vers le travail, comme si le workaholic était une qualité chez les hommes et une tare chez les femmes).

[xxiii] 17 % (6/35) d’écart n’est en rien une mince affaire. Cela suffit à faire passer une organisation de « good » à « great » (Collins, 2001). -- https://www.amazon.ca/Good-Great-Some-Companies-Others/dp/0066620996/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1486394523&sr=8-1&keywords=from+good+to+great



Frederick Haskell

Conseiller en Gestion de Patrimoine chez Haskell Patrimoine Conseil - Groupe Patrimmofi

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