La pire journée de l’année
Il y a quelques jours encore, dans le monde entier – ou presque –, c’était liesse, joie, allégresse. C’était la fête, c’était Noël. Que célébrait-on exactement ? Je ne saurais le dire avec exactitude. Ici chez nous, tandis que les uns voient en la Noël la fête des enfants, d’autres lui donnent une connotation religieuse (le 25 décembre représenterait la naissance de Jésus Christ). Quelle que soit la raison de la célébration, il reste vrai qu’en principe, c’est une journée de réjouissances. En principe. Car en pratique, la journée du 25 décembre, censée être une journée heureuse, peut s’avérer être la pire de l’année pour certains, pour beaucoup.
Insécurité
Je ne sais pas si c’est spécifique au Cameroun, mais chez nous, la nuit du 24 au 25 décembre a toujours été l’une des plus dangereuses. Je me rappelle qu’à l’époque dans mon quartier, il y avait des routes interdites et des coins proscrits à partir d’une certaine heure pendant cette période précise (à partir du 23 décembre). Ceux qui s’y hasardaient seuls ou en petit nombre courraient le risque de se faire détrousser et/ou blesser par les petits voyous du quartier et des environs – il fallait bien que les gars aient assez d’argent pour fêter la naissance du Christ !
Même quand on s’éloigne des coins sombres des sous-quartiers, on n’est pas pour autant plus en sécurité. Les soirs de Noël, « le dehors est plein » : dehors, des gamins surexcités et abandonnés dans la nature par leurs parents compréhensifs pour une fois dans l’année (c’est la fête tout le monde doit en profiter), se baladent en nuées bruyantes, une bouteille dans une main et parfois un bâton de cigarette dans l’autre, insultant tous ceux qu’ils croisent, bousculant ceux dont les têtes ne leur reviennent pas, prêts à se battre pour affirmer on ne sait quoi.
Premières fois
Il m’est arrivé, plus jeune, de sortir en compagnie de mes petits camarades un de ces fameux soirs. Mes potes avaient une activité qu’ils affectionnaient particulièrement : toucher les seins des jeunes filles qu’ils croisaient. Moi, j’étais sidéré par ce comportement que je ne connaissais pas chez eux – ce sont des gars très sérieux en journée. Trop peureux, je n’ai pas essayé de faire comme eux, mais j’avoue que je les enviais.
Les soirs de Noël sont, pour beaucoup d’adolescents, les jours des premières fois. C’est le soir où on va goûter la bière, boire le whisky. C’est le soir où on fume sa première cigarette. C’est le soir où on couche avec sa copine ou bien son copain. La plupart des jeunes de mon époque ont eu leur première expérience sexuelle un 24 ou un 25 décembre, avec un copain autant expérimenté – si ce n’est moins – qu’eux. Pire, certaines filles ont été forcées à avoir des rapports parce que trop saoules pour protester. Il n’était pas rare non plus de voir des potes trainer l’un des leurs chez les prostituées.
Dévergondage
La première fois que je suis allé en boite de nuit, c’était un 24 décembre. J’étais déjà étudiant – je n’étais pas précoce, j’avoue. Ce qui m’a frappé, c’est la tranche d’âge des jeunes qui s’y trouvaient. On atteignait difficilement les 14 ans ! J’ai pourtant été horrifié par ce que je voyais ces enfants faire dans la salle. Je ne vous ferai pas de dessin.
Les lendemains de fête, après avoir cuvé son vin et être revenu du septième ciel – si on y a seulement été –, le retour à la réalité est parfois brutal : MST, grossesses précoces et indésirées, accidents de la route et j’en passe. Pendant ce temps, je m’interroge sur le bien-fondé de la fête de Noël, sur sa signification. Car, si on dit que la Noël c’est la fête des enfants, comment se fait-il que ces enfants-là en profitent pour adopter des comportements qui n’ont rien à voir avec leur âge ? Des enfants qui sont dehors jusqu’à très tard, qui boivent, qui fument, qui se droguent, qui agressent et violentent d’autres enfants, ce n’est pas à mon avis une façon enfantine de célébrer une fête.
Si la Noël représente la fête de la Nativité c’est-à-dire l’anniversaire de la naissance de Jésus Christ, on s’attend plutôt à voir tout le monde, jeunes et vieux, dans les églises ou au moins en prière et non au dehors en train de faire tout ce contre quoi Jésus s’est battu.
Au finish, la nuit Noël est l’une des pires journées dans l’année. C’est vrai, les accidents surviennent tous les jours, mais la vérité est que ces jours-là le nombre d’accidents, agressions, viols, vols, bagarres etc., croît de façon horrifiante.
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