SOMMES NOUS DES PANTINS?
Après le neuromarketing au service des multinationales les plus puissantes, depuis quelques temps les neurosciences ont fait leur entrée en politique… Sommes-nous réellement libres, et les grands communicants sont-ils vraiment de bonnes mœurs ?? Là est la question –...ou pas !!!-.
"Déceler en temps réel ce que ressent une personne ou une foule, devant un débat, une publicité ou en arpentant un magasin, ce n’est plus de la science-fiction. Ce service est proposé, depuis l’automne 2016, par la startup française Datakalab, installée à Clichy (Hauts-de-Seine). Ce « laboratoire conseil en neuromarketing » a été cofondé par le publicitaire Frank Tapiro, ancien conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, Anne- Marie Gaultier, ex-directrice marketing des Galeries Lafayette, et deux petits génies du code – Lucas Fischer, 21 ans, encore étudiant à Centrale Paris, et son frère Xavier, 24 ans, tout juste diplômé de la même école.
« Nous mesurons les émotions à travers des outils issus des neurosciences », confie la présidente, Anne-Marie Gaultier. L’objectif ? Mieux comprendre les comportements et les motivations des clients. Ou des électeurs, comme lors de l’expérience du 20mars. Pour la première fois en France, Datakalab a appliqué sa méthode à un débat politique. Les expressions des 30 participants ont été scrutées en permanence par plusieurs logiciels d’analyse émotionnelle ( facial coding). « Grâce aux mouvements de 42 muscles du visage, on détecte six émotions principales – la colère, la joie, le dégoût, la peur, la surprise, la tristesse – et le niveau d’engagement (la somme de ces émotions) », indique Xavier Fischer.
Une technique testée avec Trump Le jeune ingénieur a découvert ces techniques en stage chez Emotient, une start-up californienne rachetée par Apple en 2016. Celle-ci avait testé un outil similaire lors d’un débat de la primaire républicaine, en 2015, où le futur président Trump avait suscité chez les téléspectateurs des émotions bien plus fortes que ses concurrents (peur, joie et surprise en particulier). Datakalab reprend la méthode, mais ajoute au poignet des participants un bracelet connecté en Bluetooth. Mesurant les battements cardiaques, le flux sanguin et la transpiration, il indique l’intensité de ce qui est vécu, afin d’écarter les expressions feintes, une innovation qui fait de l’expérience du 20 mars une première mondiale. « On arrive ainsi à distinguer vrais et faux sourires », affirme Xavier Fischer. En brassant ces données, reliées aux moments clés du débat, les algorithmes secrets mis au point par les deux frères permettent d’analyser finement les émotions ressenties devant chaque candidat, thème ou idée.
Questions éthiques
Datakalab s’appuie sur les travaux du psychologue américain Paul Ekman, qui a listé les six émotions de base et dont les idées ont été popularisées par la série Lie to Me, avec Tim Roth. La mesure des réactions émotionnelles a toutefois des limites. « Elle ne peut pas être l’unique clé pour comprendre la prise de décisions », insiste Olivier Oullier, spécialiste en neurosciences du consommateur. « Ces techniques fournissent une mesure indirecte de l’activité du cerveau, c’est comme essayer de comprendre le fonctionnement d’un moteur sans ouvrir le capot », relativise-t-il. Elles soulèvent aussi des questions éthiques: un tel système poussera-t-il les candidats à développer des arguments fondés sur l’émotion plutôt que sur la raison? « Nous voulons seulement montrer ce que les gens ressentent réellement, dans un but de transparence », rétorque Xavier Fischer. Les résultats seront rendus publics. Autre garde-fou légal : « Nous ne collectons pas de données personnelles », assure-t-il.
Un potentiel énorme
Exploitée ici dans le domaine politique, cette technologie est avant tout destinée aux entreprises qui veulent améliorer leur communication, l’aménagement de leurs magasins ou leurs bureaux. Sur les conseils de Datakalab, Disney, par exemple, a modifié la bande-annonce et le titre du film L’Empereur (auparavant intitulé L’Appel de l’Antarctique) pour les rendre plus émouvants. Des rayons de Monsieur Bricolage et des halls des gares SNCF ont aussi été testés. « Ces méthodes remettent en cause toutes les études marketing classiques, fondées sur la rationalité des gens! » s’exclame, enthousiaste, Michel Badoc, professeur à HEC et auteur de Neuro-consommateur (avec Anne- Sophie Bayle-Tourtoulou, éditions Eyrolles). « D’ici moins de cinq ans, elles vont devenir banales en France », prophétise-t-il." Le Parisien
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