Pas de confiance, pas de résultat dans l'entreprise
(Si seulement le graphique en en-tête renvoyait l'image de l'entreprise-type, on pourrait encore s'en féliciter. Or, le taux de désengagement catastrophique du personnel au travail, dans la vaste majorité des entreprises de par le monde, indique bel et bien que tel n'est pas l'image de leur réalité. Et dire, que tout le monde ou presque imagine que cela ne concerne pas leur entreprise… mais uniquement celle des autres.)
LES TROIS IMPÉRATIFS DE LA CONFIANCE EN ENTREPRISE
Le modèle de Shaw[1], en matière de confiance dans l’entreprise, se fonde sur trois impératifs précis : 1) les résultats; 2) l’intégrité; 3) l’attention[2]. La confiance, en entreprise, doit donner lieu à des résultats d’affaires mesurables, sans quoi elle ne peut être durable[3]. La confiance, par ailleurs, doit être accordée à ceux et à celles qui sont dignes d’elle, soit ceux et celles qui font montre d’intégrité dans leurs engagements envers eux-mêmes et les autres. Finalement, il n’est pas de confiance sans attention, intéressement, aux autres. En somme, la confiance n’est pas un don de soi sans conséquence, en milieu d’emplois. Elle se justifie en rapports avec les autres, et a donc une dimension d’utilité dans le groupe d’appartenance, puisque la présence en entreprise consiste à faire équipe avec d’autres en vue de l’atteinte de résultats communs. Et elle s’explique par la croyance, que confirmeront les comportements des autres, que ses vis-à-vis auront le respect de leur parole. Ce que l’intégrité supposera. En somme, l’attention des autres à son propre endroit, qui constituera un acte d’intéressement de leur part envers soi, confirmera que leur confiance aura été méritoire et respectée. Ce qui entraînera, dans le rapport avec les autres, un degré suffisant de croyance en l’utilité d’accorder soi-même aux autres ce qu’on aura reçu d’eux en premier. En fait, si on suit bien la logique de cet exercice de circularité, dans l’échange de bons procédés avec les autres, la confiance n’est jamais qu’à la mesure de celle que l’on aura accordée volontairement aux autres. Elle est donnée, avant d’être reçue, puisqu’elle dépend de la croyance dans les autres, que fondent les attentions des autres envers soi-même. On ne peut constater ce qui n’existe pas, et on croit ce que l’on voit et entend des autres[4]. Dans ce premier segment (article), la matière abordée ne concernera que le premier volet du modèle de Shaw, à savoir les résultats dans l’entreprise, dont dépend la confiance que l’on consent aux autres.
LES RÉSULTATS D’AFFAIRES DE L’ENTREPRISE ET LA CONFIANCE
La toute première responsabilité du leader est de dégager du résultat dans l’entreprise[5]. Et pour y arriver, parce que le leadership est une fonction d’influence[6], encore faut-il que le leader inspire confiance. De fait, le leadership, qui est à base de confiance, ne peut être exercé, dans le milieu du travail, s’il n’est pas directement associé à une mesure de résultat positive sur l’activité menée ensemble. Les Américains parlent de « walk the talk »[7], pour signifier que l’acte doit suivre la parole. Au fur et à mesure du succès enregistré par le leader, le personnel éprouvera de plus en plus de confiance dans le mérite des projets, paroles et actes de ce premier. Ce qui supposera, que le leader aura pris soin d’établir clairement des objectifs de performance personnelle, avant de convier les autres à suivre son exemple. Qu’il aura accompli sa propre tâche de manière probante, et que le résultat sera réel plus que prétendu. En somme, le leader aura jugé des effets de ses projets, paroles et actes sur le corps d’activité de l’entreprise, et tenu compte du risque d’échec de ceux-ci avant d’engager son entourage à le suivre. Ce qui revient à dire, que le leader se sera rendu lui-même imputable des conséquences de ses propres engagements. Or, nul ne suit l’exemple de qui n’est l’auteur d’aucun résultat personnel, ce qui signifie que nul n’est influencé par qui n’apporte pas la preuve de la valeur de son influence sur le milieu qu’il incite au dépassement de soi. Et la confiance n’est rien d’autre qu’un consentement de crédit[8] à la personne en qui on investit sa marque de respect propre. Elle ne suppose pas l’abandon d’une reprise éventuelle de tel crédit, si d’aventure la personne à qui on l’aura consentie ne mérite plus qu’on la respecte pour ce qu’elle est, dit ou fait.
LE CAS ALLIEDSIGNAL
AlliedSignal[9] est l’un des plus réussis redressements d’entreprise des derniers trente ans. Lorsque Larry Bossidy en devint chairman et CEO en 1991, l’entreprise enregistrait des revenus de $ 359 millions. En 1997, ils atteignaient $ 875 millions. Les profits par action, sur la période, ont cru en moyenne de 25 pourcents (taux composé). La marge bénéficiaire, elle, est passée de 4,4 pourcents à 9,1 pourcents. La valeur de capitalisation de l’entreprise, pour sa part, a doublée. AlliedSignal a su croître en revenu comme en profitabilité[10]. Lorsqu’il est arrivé en poste, Bossidy a constaté que le personnel n’avait pas d’idée très nette sur les objectifs de marché de l’entreprise non plus que sur sa trajectoire de réalisation des affaires[11]. Pour réduire l’incertitude, au sein du personnel engagé à la tâche, Bossidy proposa des objectifs simples et clairs. Chaque fois, qu’il visitait les installations de l’entreprise, il dialoguait avec le personnel à ce sujet, de sorte que chacun sache où l’entreprise en était et pourquoi elle poursuivait ses objectifs. Chacun pouvait, de la sorte, savoir ce qui se passait, et donc évaluer pour lui-même la pertinence des objectifs convenus, parce que justement comparés aux résultats d’affaires courants de l’entreprise. Bossidy a fait tant et si bien, qu’AlliedSignal a connu un taux de croissance de la productivité de 6 pourcents par année[12]. Le plan de redressement de l’entreprise se fondait sur quatre piliers : le plan stratégique, le plan opérationnel, le plan humain, le plan client[13]. L’ensemble reposait sur un dialogue riche, fréquent et complet sur les affaires de l’entreprise entre la haute direction et le personnel de base de l’entreprise. Non seulement la direction communiquait-elle en direct[14] avec le personnel, mais elle avait soin d’aborder avec elle les vraies affaires. La dissimulation, la manipulation et l’exploitation des autres entraîne un niveau de méfiance qui n’est jamais propice au rapprochement durable des personnes entre elles. Or, l’activité en entreprise, menée loyalement[15], est le fait d’un effort solidarisé à travers les groupes de tâche constitués, en vue de l’atteinte d’un résultat qui profite au mieux à chacun des concernés[16]. Et cette concertation n’existe pas parce qu’elle est sollicitée fébrilement par la direction de l’entreprise, mais parce que le personnel sent, constate et apprécie l’intégrité de ses décisions et actes de gestion et d’affaires. Et l’intégrité[17], qui n’est pas l’honnêteté[18] comme telle, bien qu’elle s’en rapproche, engendre ou dissout toute confiance en l’autre dès lors qu’elle existe ou cesse d’être constatée en tout ou en partie. Il n’est pas plus d’intégrité à demie, qu’il n’est de confiance à demie. Chez AlliedSignal, comme chez Emerson d’ailleurs[19], la confiance en l’autre aura fait la différence entre une entreprise en déshérence et une entreprise en croissance. Si le résultat supérieur sur l’activité suppose de voir dans la même direction, tous ensemble dans l’entreprise, cela impose d’abord d’avoir confiance les uns dans les autres. Autrement, des charges additionnelles s’ajouteront au corps des dépenses qui auront pour effet de rendre le résultat attendu moins possible. Et bien que l’activité de l’entreprise ne consiste pas à dégager du profit à tout prix, il demeure que la mission de cette dernière lui impose d’optimiser son rendement sur la ressource engagée dans le service au marché[20].
Approfondissez votre savoir et lisez plus abondamment sur la gestion humaine dans l'entreprise:
L'entreprise de l'autrement: Une philosophie de la gestion du changement. (2017)
https://www.amazon.com/Lentreprise-lautrement-philosophie-changement-lentreprise/dp/1973145073/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1525640153&sr=1-1&keywords=tardif&dpID=51mA5MLxRuL&preST=_SX218_BO1,204,203,200_QL40_&dpSrc=srch ---
https://www.amazon.fr/Lentreprise-lautrement-philosophie-gestion-changement/dp/1973145073/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1525640213&sr=8-1&keywords=marcel+jb+tardif )
RÉFÉRENCES:
[1] https://www.linkedin.com/in/robert-bruce-shaw-91987a9/
[2] Shaw, R.B., (1997), Trust in the Balance, Building Successful Organizations on Results, Integrity, and Concern, Jossey-Bass Publishers, p. 39.
[3] Personne n’investit à fond perdu. Tout le monde veut être gagnant. Ce qui n’a rien de suspect. Lire : Rand, A., et Branden, N., (1964),The Virtue of Selfishness: Fiftieth Anniversary Edition, Signet.
[4] « Les gens savent ce qu’ils pensent, quand ils voient ce qu’ils disent » (Weick, K. E., Making Sense of the Organization, Wiley-Blackwell.)
[5] Shaw, p. 45.
[6] Lire mon article intitulé Leadership au féminin. https://www.linkedin.com/pulse/leadership-au-féminin-marcel-jb-tardif-mba/
[7] http://idioms.thefreedictionary.com/talk+the+talk+...+walk+the+walk ; https://en.wikipedia.org/wiki/Walk_and_talk
[8] La confiance n’est en rien une hypothèque sur son libre arbitre. Celui ou celle qui l’accorde conserve son droit de critique, et peut la retirer dès lors qu’il ou qu’elle estime avoir été trahi dans ses attentes légitimes.
[9] AlliedSignal was an American aerospace, automotive and engineering company created through the 1985 merger of Allied Corp. and Signal Companies. It subsequently purchased Honeywell for $15 billion in 1999, and thereafter adopted the Honeywell name and identity. AlliedSignal was a member of the Dow Jones Industrial Average from 1985 until February 19, 2008. https://en.wikipedia.org/wiki/AlliedSignal
[10] Ce que maintes entreprises profitables n’arrivent pas à faire facilement, axées qu’elles sont sur le contrôle des dépenses et la réduction des effectifs.
[11] CEO of the Year : Larry Bossidy of AlliedSignal, Financial World, 29 mars 1994, p. 44-52.
[12] La restructuration ne s’est pas faite, malheureusement, à l’avantage de tout le personnel de départ. Vingt mille emplois ont été perdus, ce qui a permis à l’entreprise d’économiser $ 1 milliard à travers la période (ce qui comprenait la vente d’installations et la fermeture d’usines non suffisamment rentables). Le lecteur mal avisé en déduira, que l’exercice a mis à mal la relation avec le personnel de l’entreprise. De fait, à quoi sert d’ajouter au taux courant de productivité, si cela doit résulter en perte d’emploi pour le personnel contributif d’effort additionnel. Or, le choix qu’avait à faire Bossidy consistait à redresser l’entreprise, et sauvegarder des emplois, ou déclarer faillite et liquider tous les emplois restants. Quand on fait une analyse de la situation, encore faut-il savoir tenir compte de tous les considérants, et éviter les conclusions à l’emporte-pièce. AlliedSignal aura été mal gérée, soit, mais avant l’arrivée de Bossidy aux commandes. L’enflure d’effectifs, qui a donné lieu à la présence d’un personnel indésirable, s’explique du fait du laxisme de la direction précédente.
[13] Discours de Larry Bossidy, livré le 24 juin 1996, devant le Corning Business Leaders Roundtable Forum, à New Yorl.
[14] La communication passe mieux entre la direction et le personnel lorsqu’elle est pratiquée en direct plutôt qu’en différé, comme le font encore, malencontreusement, une majorité d’entreprises, de nos jours.
[15] La loyauté, que la direction exige, de nos jours, de la part du personnel, n’est généralement pas accordée par elle à ce dernier. Ce qui institue du cynisme dans l’entreprise, et avive la résistance à l’engagement du personnel au travail. La confiance n’est jamais que le revers de son propre engagement, envers ceux et celles de qui on l’attend soi-même. Le personnel le sait. La direction ne semble pas le réaliser tout le temps.
[16] L’entreprise qui ne partage que le risque avec son personnel n’est pas digne de la confiance de son propre personnel. L’effort comme les avantages du résultat doivent également être équitablement partagés entre la direction et le personnel. Ce que les chiffres, par les temps qui courent, n’indiquent pas.
[17] L'intégrité est la motivation à être conforme à ce que l'on est réellement. L'intégrité est donc le qualificatif donné à ce mécanisme de conformité à soi-même. En somme, l’intégrité serait l’honnêteté envers soi-même, avant d’être constaté par les autres. https://fr.wikipedia.org/wiki/Intégrité
[18] L'honnêteté est la qualité de ce qui est conforme à la vertu, à la morale ou à une convention reconnue. En somme, l’honnêteté c’est l’intégrité face aux autres. https://fr.wikipedia.org/wiki/Honnêteté
[19] Lire : Knight, C. F. et Dyer, D., (2005), Performance Without Compromise: How Emerson Consistently Achieves Winning Results, Harvard Business School Press. Un très beau cas d’entreprise à dimension (gestion) humaine.
[20] Tardif, MJB, (2018), MIEUX DÉFINIR LE MANAGEMENT: POUR MIEUX COMPRENDRE L’ENTREPRISE, Amazon.com (non encore publié lors de la rédaction du présent article).
I lead strategic protection initiatives for impactful results From humanitarian assistance to capacity building | Stakeholder coordination & program management expert
6 ansL' integritè du leader est la bossole qui conduira a l'atteinte des resultats car pour inspirer confiance les actes doivent suivre sa parole. Ainsi les membres de la team se sentiront appartenir a une famille (entreprise) pour laquelle ils s'investissent pour le rayonnement.
Directeur de Site logistique : Expertise en gestion de flux et pilotage de la performance
6 ansLa confiance suscite l'engagement des collaborateurs. Rien ne se fait sans valeurs humaines
Enseignant HDR - Université Oran II
6 ansLa confiance est indispensable à la survie et à la continuité d’une entreprise, d’un couple ou d’une société. Pas de confiance, pas de perspectives, pas d’enjeux ou surtout pas d’intégrité.
Enseignant HDR - Université Oran II
6 ansOui, la confiance donne envie de travailler, de s’engager ou de participer à l’accomplissement d’un objectif. Confiance est synonyme au résultat, à l’intégrité et à l’attention. Contrairement à la méfiance qui est synonyme à une criante, inquiétude, altération et à l’improductivité.