Ce que l’on est en train de réapprendre
Nous réapprenons en ce moment à quel point nous sommes fragiles, collectivement et individuellement. C’est une épreuve pour beaucoup, salutaires pour tous, car notre vulnérabilité est aussi le creuset de notre humanité commune.
De ce fait nous prenons conscience de tant d’illusions, entre autres : celle d’humains et de sociétés invincibles, dominant la planète, dominant le vivant sans jamais de comptes à rendre. Celles de maîtres du monde puissants, asséchants et maltraitants une planète qui n’en peut plus de tant de violence. L’exploitation tyrannique, industrialisée et souvent abjecte du vivant : déforestation, traitements infâmes des animaux sur les marchés asiatiques, élevages industriels incubateurs et accélérateurs de pandémies.
L’illusion d’une mondialisation heureuse, d’un village global enchanté au service d’un individualisme hédoniste débridé, d’une consommation de masse, d’une exploitation illimitée de ressources limitées, d’une interdépendance mondiale sans solidarité comme le dit E Morin.
L’illusion de la maîtrise : de notre quotidien, de notre santé et de nos destinées. Illusion de la toute puissance d’hommes croyant sincèrement vaincre la mort (les transhumanistes), d’hommes sachant faire rouler des voitures seules et conquérant l’espace mais désemparés faute de masques en tissus ou de lits d’hôpitaux : on appelle cela une start up nation..
L’illusion de la séparation quand l’humain se croit affranchi des lois du vivant. Quand il cesse de se penser comme un élément dépendant des systèmes qui le portent : la nature et ses lois biologiques, nos prochains, les institutions, notre lignage et notre histoire…
Nous réapprenons que nous sommes vulnérables, c’est notre lien en humanité. Nous redécouvrons que le vivant est interconnecté : rien de ce qui vit n’est séparé du reste, pas plus nous humains que chaque particule qui nous entoure.Que notre vie est limitée par sa fin, comme les ressources de la planète. Que notre futur est incertain, un réel inconnu, une occasion de se réinventer. Que l’on passe nos vies à les occuper de peccadilles loin des essentiels : l’ennui et la solitude nous offrent une occasion d’y revenir. En ces temps d’isolement forcé, nous mesurons plus que jamais la valeur des liens qui nous unissent : seuls nous sommes si pauvres.
Serge Griffon, Néom – l’infini des possibles
Directeur Services & Solutions DEXIS France
4 ansTrès bel article Serge , c'est tellement vrai. Merci .